En ce moment, c'est LA question qui me taraude et qui tourne en boucle dans mon cerveau de péquin lambda : pour quel incapable patenté vais-je être obligé de voter au 2e tour de cette présidentielle 2012 ?
Avant le 1er tour, je pensais que si les sondages se confirmaient et qu'on finissait par un duel Hollande-Sarkozy, je voterais blanc — ni l'un ni l'autre ne trouvant grâce à mes yeux, chacun pour des raisons différentes mais rédhibitoires. J'espérais que face à la situation désastreuse dans laquelle nous nous trouvons, les Français voteraient enfin — enfin ! — intelligemment en pensant avant tout à l'intérêt supérieur du pays. Las, une fois de plus, il n'en a rien été.
Depuis trente ans, on s'évertue à élire comme président le plus menteur et le plus démagogique des prétendants en écartant systématiquement les responsables honnêtes, modérés, respectables. Inutile de donner des noms : si ceux qui lisent ces lignes ont deux sous de jugeote, ils comprendront à qui je fais allusion — les autres, je ne leur parle pas, ça risquerait de les instruire. Or, voilà que dans quelques jours, nous aurons de nouveau à effectuer un choix cornélien entre peste et choléra. Ô joie, ô bonheur.
Et le vote blanc, alors ?
C'est le point central de mon désarroi — très relatif, mais néanmoins réel. La semaine dernière, je racontais à une amie l'expérience que j'ai vécue lors du 1er tour. J'ai été “recruté” pour le dépouillement des bulletins (ce n'était pas la première fois, je l'avais déjà fait aux élections précédentes, pour les cantonales). Quand je suis arrivé au bureau à 19 h 45, nous nous sommes installés, quatre citoyens par table, et le président du bureau a aussitôt demandé si l'un d'entre nous voulait bien être secrétaire. Comme c'est un rôle que je n'avais jamais tenu, je me suis proposé.
Être secrétaire consiste essentiellement à vérifier les résultats et à les reporter sur les procès-verbaux. Je n'étais évidemment pas seul : j'assistais dans cette tâche laborieuse une fonctionnaire de la mairie, rompue à l'exercice. Ce n'est pas plus excitant que ça, comme rôle, mais ça donne un aperçu différent des choses. À 20 heures précises, le bureau a fermé et le dépouillement a commencé.
À peine cinq minutes plus tard, le premier bulletin nul sortait des enveloppes. Il s'agissait en fait de deux bulletins différents au dos desquels toute une prose sur l'inanité des impétrants était soigneusement écrite à la main. Aussitôt, branle-bas de combat, ma fonctionnaire file à toute allure vers la table qui avait trouvé le bulletin pour expliquer la procédure à suivre, plutôt contraignante : on arrête immédiatement le dépouillement, chacun des scrutateurs doit signer l'enveloppe, ainsi que les assesseurs et le président du bureau. Pour chaque bulletin blanc ou nul, pas moins de huit personnes devaient signer. Puis le ou les bulletins sont agrafés avec leur enveloppe à un procès-verbal et placés dans une autre grande enveloppe, à part.
Ça emmerde tout le monde
Ce que j'ai compris en tout cas — et que je pressentais déjà — c'est que les petits malins qui s'amusent à écrire leur ressentiment sur les bulletins le font en pure perte. S'il est une chose que les auteurs de bulletins nuls doivent savoir, c'est que leur geste est parfaitement vain. Leur “message” n'est lu par personne (d'abord parce que les scrutateurs, les assesseurs et autres responsables du bureau n'ont pas le temps pour ça et qu'ensuite, ils s'en fichent comme de leur première chaussette) et certainement pas par les candidats ou leurs représentants.
Le seul effet que ça provoque, c'est le ralentissement de la cadence du dépouillement. Tout le pays attend les résultats et chaque bureau doit faire au plus vite. Et les bulletins blancs ou nuls, comme l'a si prosaïquement fait remarquer ma fonctionnaire de mairie, “ça emmerde tout le monde”. Comme je n'ai pas plus la langue dans ma poche qu'une plume de bisounours, je lui ai très urbainement rétorqué qu'on ne pouvait tout de même pas reprocher ou interdire aux électeurs de voter blanc — voter nul, c'est nul, j'en conviens, mais voter blanc, pour moi, ça a du sens. D'autant, ai-je poursuivi, que si les bulletins blancs étaient reconnus (comme ils devraient logiquement l'être), ils ne bloqueraient plus rien du tout puisqu'ils seraient décomptés comme les autres. Et ma fonctionnaire d'acquiescer d'un “vous avez raison”. Et moi de m'empêcher de justesse de lui répondre que j'ai toujours raison — ce qui nous aurait immanquablement entraînés dans une discussion inappropriée alors que j'avais des tas de papiers à signer et contresigner, et des tas de chiffres à porter et reporter.
Donc, pour ce deuxième tour ?
En conclusion, me voilà fort marri et pas plus avancé. Je m'étais dit “attendons le débat entre les deux guignols, peut-être te laisseras-tu convaincre par l'un ou l'autre”, n'étant a priori pas plus proche de l'un de que l'autre.
Sarkozy, je peux difficilement le voir en peinture ; sa familiarité langagière qui flirte avec la vulgarité, son manque de finesse et ses rodomontades perpétuelles m'exaspèrent au plus haut point. Son bilan, s'il n'est pas aussi calamiteux que d'aucuns gauchistes le serinent à longueur de temps, est tout de même loin d'être brillant. Il s'est mis à dos un nombre effroyable de Français par son comportement désinvolte, cassant, blessant. Il a dénaturé la fonction présidentielle, ce que peu d'entre nous lui pardonnent. Mais lors de ce débat, il s'est plutôt bien défendu et il a dit des choses très justes. Il a su mettre en valeur ce qu'il avait réussi durant ce quinquennat — même s'il n'a clairement pas tout réussi. Il y a donc la personnalité, insupportable à bien des égards, et puis l'action, pas totalement ratée en fin de compte. Il y a son énergie et son expérience, incontestables. Il y a ses défauts, nombreux, mais qui n'en a pas, et les erreurs qu'il a du mal à admettre, ce qui est plutôt normal dans sa position.
En face, nous avons l'autre premier de la classe, monsieur “moi président". Je l'aurais baffé si j'avais été sur le plateau quand il a sorti cette tirade d'un grotesque achevé. Mais achevé de chez achevé. Mis à part ça, j'avoue qu'il m'a surpris par sa capacité de répartie. L'homme a indéniablement pris de la bouteille. “Flanby” est définitivement rangé aux oubliettes, je l'admets. On a découvert la bête politique qui ne s'est pas laissé démonter par le rouleau compresseur sarkozien et qui a prouvé qu'elle possède bien le caractère pour la fonction. La personnalité ne me plaît pas davantage, pour d'autres raisons. Il est certes intellectuellement plus fin, son langage est plus sophistiqué, mais il ment comme il respire. C'est un démagogue né — être allé tenir le crachoir aux manifestants juste avant l'émission, c'était vraiment du pur foutage de gueule. Sur l'économie, il a été pour le moins inconsistant. Quant aux “économies”, n'en parlons pas : il ne sait apparemment pas ce que ce mot signifie. Son droit de vote des étrangers est, en ce qui me concerne, un casus belli. Mais il a raison sur la question de la fin de vie...
Bref. Je crois que la perfection n'est pas de ce monde, pas plus en politique qu'ailleurs et que la vraie difficulté est toujours d'opérer un choix. À trois jours du scrutin, je reste devant mon carrefour à trois branches : l'un des deux bouffons ou le vote blanc, qui fait suer. Sauvez-moi.
Avant le 1er tour, je pensais que si les sondages se confirmaient et qu'on finissait par un duel Hollande-Sarkozy, je voterais blanc — ni l'un ni l'autre ne trouvant grâce à mes yeux, chacun pour des raisons différentes mais rédhibitoires. J'espérais que face à la situation désastreuse dans laquelle nous nous trouvons, les Français voteraient enfin — enfin ! — intelligemment en pensant avant tout à l'intérêt supérieur du pays. Las, une fois de plus, il n'en a rien été.
Depuis trente ans, on s'évertue à élire comme président le plus menteur et le plus démagogique des prétendants en écartant systématiquement les responsables honnêtes, modérés, respectables. Inutile de donner des noms : si ceux qui lisent ces lignes ont deux sous de jugeote, ils comprendront à qui je fais allusion — les autres, je ne leur parle pas, ça risquerait de les instruire. Or, voilà que dans quelques jours, nous aurons de nouveau à effectuer un choix cornélien entre peste et choléra. Ô joie, ô bonheur.
Et le vote blanc, alors ?
C'est le point central de mon désarroi — très relatif, mais néanmoins réel. La semaine dernière, je racontais à une amie l'expérience que j'ai vécue lors du 1er tour. J'ai été “recruté” pour le dépouillement des bulletins (ce n'était pas la première fois, je l'avais déjà fait aux élections précédentes, pour les cantonales). Quand je suis arrivé au bureau à 19 h 45, nous nous sommes installés, quatre citoyens par table, et le président du bureau a aussitôt demandé si l'un d'entre nous voulait bien être secrétaire. Comme c'est un rôle que je n'avais jamais tenu, je me suis proposé.
Être secrétaire consiste essentiellement à vérifier les résultats et à les reporter sur les procès-verbaux. Je n'étais évidemment pas seul : j'assistais dans cette tâche laborieuse une fonctionnaire de la mairie, rompue à l'exercice. Ce n'est pas plus excitant que ça, comme rôle, mais ça donne un aperçu différent des choses. À 20 heures précises, le bureau a fermé et le dépouillement a commencé.
À peine cinq minutes plus tard, le premier bulletin nul sortait des enveloppes. Il s'agissait en fait de deux bulletins différents au dos desquels toute une prose sur l'inanité des impétrants était soigneusement écrite à la main. Aussitôt, branle-bas de combat, ma fonctionnaire file à toute allure vers la table qui avait trouvé le bulletin pour expliquer la procédure à suivre, plutôt contraignante : on arrête immédiatement le dépouillement, chacun des scrutateurs doit signer l'enveloppe, ainsi que les assesseurs et le président du bureau. Pour chaque bulletin blanc ou nul, pas moins de huit personnes devaient signer. Puis le ou les bulletins sont agrafés avec leur enveloppe à un procès-verbal et placés dans une autre grande enveloppe, à part.
Ça emmerde tout le monde
Ce que j'ai compris en tout cas — et que je pressentais déjà — c'est que les petits malins qui s'amusent à écrire leur ressentiment sur les bulletins le font en pure perte. S'il est une chose que les auteurs de bulletins nuls doivent savoir, c'est que leur geste est parfaitement vain. Leur “message” n'est lu par personne (d'abord parce que les scrutateurs, les assesseurs et autres responsables du bureau n'ont pas le temps pour ça et qu'ensuite, ils s'en fichent comme de leur première chaussette) et certainement pas par les candidats ou leurs représentants.
Le seul effet que ça provoque, c'est le ralentissement de la cadence du dépouillement. Tout le pays attend les résultats et chaque bureau doit faire au plus vite. Et les bulletins blancs ou nuls, comme l'a si prosaïquement fait remarquer ma fonctionnaire de mairie, “ça emmerde tout le monde”. Comme je n'ai pas plus la langue dans ma poche qu'une plume de bisounours, je lui ai très urbainement rétorqué qu'on ne pouvait tout de même pas reprocher ou interdire aux électeurs de voter blanc — voter nul, c'est nul, j'en conviens, mais voter blanc, pour moi, ça a du sens. D'autant, ai-je poursuivi, que si les bulletins blancs étaient reconnus (comme ils devraient logiquement l'être), ils ne bloqueraient plus rien du tout puisqu'ils seraient décomptés comme les autres. Et ma fonctionnaire d'acquiescer d'un “vous avez raison”. Et moi de m'empêcher de justesse de lui répondre que j'ai toujours raison — ce qui nous aurait immanquablement entraînés dans une discussion inappropriée alors que j'avais des tas de papiers à signer et contresigner, et des tas de chiffres à porter et reporter.
Donc, pour ce deuxième tour ?
En conclusion, me voilà fort marri et pas plus avancé. Je m'étais dit “attendons le débat entre les deux guignols, peut-être te laisseras-tu convaincre par l'un ou l'autre”, n'étant a priori pas plus proche de l'un de que l'autre.
Sarkozy, je peux difficilement le voir en peinture ; sa familiarité langagière qui flirte avec la vulgarité, son manque de finesse et ses rodomontades perpétuelles m'exaspèrent au plus haut point. Son bilan, s'il n'est pas aussi calamiteux que d'aucuns gauchistes le serinent à longueur de temps, est tout de même loin d'être brillant. Il s'est mis à dos un nombre effroyable de Français par son comportement désinvolte, cassant, blessant. Il a dénaturé la fonction présidentielle, ce que peu d'entre nous lui pardonnent. Mais lors de ce débat, il s'est plutôt bien défendu et il a dit des choses très justes. Il a su mettre en valeur ce qu'il avait réussi durant ce quinquennat — même s'il n'a clairement pas tout réussi. Il y a donc la personnalité, insupportable à bien des égards, et puis l'action, pas totalement ratée en fin de compte. Il y a son énergie et son expérience, incontestables. Il y a ses défauts, nombreux, mais qui n'en a pas, et les erreurs qu'il a du mal à admettre, ce qui est plutôt normal dans sa position.
En face, nous avons l'autre premier de la classe, monsieur “moi président". Je l'aurais baffé si j'avais été sur le plateau quand il a sorti cette tirade d'un grotesque achevé. Mais achevé de chez achevé. Mis à part ça, j'avoue qu'il m'a surpris par sa capacité de répartie. L'homme a indéniablement pris de la bouteille. “Flanby” est définitivement rangé aux oubliettes, je l'admets. On a découvert la bête politique qui ne s'est pas laissé démonter par le rouleau compresseur sarkozien et qui a prouvé qu'elle possède bien le caractère pour la fonction. La personnalité ne me plaît pas davantage, pour d'autres raisons. Il est certes intellectuellement plus fin, son langage est plus sophistiqué, mais il ment comme il respire. C'est un démagogue né — être allé tenir le crachoir aux manifestants juste avant l'émission, c'était vraiment du pur foutage de gueule. Sur l'économie, il a été pour le moins inconsistant. Quant aux “économies”, n'en parlons pas : il ne sait apparemment pas ce que ce mot signifie. Son droit de vote des étrangers est, en ce qui me concerne, un casus belli. Mais il a raison sur la question de la fin de vie...
Bref. Je crois que la perfection n'est pas de ce monde, pas plus en politique qu'ailleurs et que la vraie difficulté est toujours d'opérer un choix. À trois jours du scrutin, je reste devant mon carrefour à trois branches : l'un des deux bouffons ou le vote blanc, qui fait suer. Sauvez-moi.